Discernement des esprits

L'Écriture Sainte nous donne une importante révélation concernant le démon: « Il a été meurtrier dès le commencement, et il ne s'est pas maintenu dans la vérité, parce qu'il n'y a pas de vérité en lui. Quand il profère le mensonge, il parle de son propre fond, car il est menteur et le père du mensonge.» (Jean 8:44)

Il est dit meurtrier, parce qu'il nuit au salut des âmes et qu'il les entraine en enfer. Il ne peut pas tuer le corps, mais il peut tuer l'âme. Cependant, si le démon se montre à l'homme tel qu'il est, il va être terrifiant, hideux de par sa malice et ses ténèbres, et faire peur à sa victime qui se méfiera; il provoquera chez les hommes auxquels il se montrera dans son état d'ange déchu, un réflexe de recul et de méfiance. Pour approcher les hommes, il lui faudra alors changer d'aspect. Or il se trouve que sa nature angélique ne lui a pas été enlevée après sa chute, elle a seulement subi des distorsions et un enténèbrement. Le démon peut faire réapparaître en lui une certaine beauté, qui lui permettra de masquer pour un temps sa malice et ses ténèbres pour tromper les hommes.

C'est ce que nous enseigne Saint Paul: « Car Satan lui-même se déguise en ange de lumière.» (2 Cor 11-14). Les esprits possèdent la faculté d'interagir avec l'âme humaine et de lui "parler". Or le monde des esprits n'est pas uniquement celui des bons anges. Les démons aussi sont des esprits avec lesquels il est possible à l'homme d'entrer en conversation. Si ces démons ne pouvaient se manifester que sous leur forme hideuse, ils n'auraient aucune chance d'entrer en conversation avec les hommes. Mais si les démons peuvent se déguiser en bons esprits, il faudra que l'homme sache discerner les esprits. Pour cela, les écrivains de l'Église ont réuni des règles de discernement, qui peuvent s'appliquer pour discerner les influences bonnes ou mauvaises au for interne, mais aussi pour les distinguer dans les mystiques qui prétendent transmettre des révélations.


L'Ecriture nous enseigne comment discerner les esprits

Sous l'Ancienne Alliance, la règle de discernement des esprits était simple: les bons esprits portent à obéir à Dieu et les mauvais à lui désobéir. Après l'Avènement du Christ, les démons vont perfectionner leur art pour mieux tromper les hommes. Saint Paul énonce les divers éléments pour discerner les bonnes et les mauvaises influences. Les mauvais esprits empruntent les voies de la chair : « Les oeuvres de la chair sont manifestes, ce sont l'impudicité, l'impureté, le libertinage, l'idolâtrie, la magie, les inimitiés, les querelles, les jalousies, les animosités, les divisions, les sectes, l'envie, les meurtres, l'ivrognerie, les excès de table, et les choses semblables. » (Gal.5- 19-21)

L'influence divine, que Saint Paul appelle "les œuvres de l'Esprit", se reconnait aux bons fruits qu'elle produit en nous : « Le fruit de l'Esprit, au contraire, c'est la charité, la joie, la paix, la patience, la bienveillance, la bonté, la foi, la douceur, la tempérance [...] Ceux qui sont à Jésus ont crucifié la chair, avec ses passions et ses convoitises.» (Gal. 5 -22-24]). Si Saint Paul énonce ici des règles de discernement basées sur des critères moraux, Saint Jean nous donne des critères doctrinaux: « Vous reconnaîtrez à ceci l'Esprit de Dieu: Tout esprit qui confesse Jésus-Christ venu dans la chair est de Dieu; et tout esprit qui ne confesse pas ce Jésus n'est pas de Dieu; c'est celui de l'Antéchrist, dont on vous a annoncé la venue.» (1 Jean 4- 1-3).

Les Pères de l'Eglise constatent aussi les effets psychologiques du bon et du mauvais esprit : le bon esprit engendre la paix et l'humilité; le mauvais esprit engendre la tristesse, l'indécision, la paresse, le désespoir, la perte de confiance en Dieu. Saint Thomas d'Aquin distingue ce qui, dans notre vie intérieure, relève de notre liberté et ce qui relève de l'influence de Satan, lequel agit surtout en utilisant nos sens et notre imagination. Il énumère aussi quelques règles pour différencier les vrais et les faux prophètes. Les vrais, avant tout, ne se donnent pas leur mission à eux-mêmes; ils la reçoivent de Dieu. Les faux prophètes se donnent eux-mêmes leur mandat, ils incitent d'abord au bien puis ils dévient très vite vers le mal.
 

Quelques règles pour aider au discernement des esprits

La Prière
Puisque tout bien vient de Dieu et que nos efforts sont inutiles sans Sa grâce, il faut avant tout demander Son secours avec une confiance humble et sincère, pour qu'il éclaire notre âme et qu'il la tienne attachée à Son éternelle Vérité, qui ne peut ni se tromper ni nous tromper.

Consulter l'Écriture sainte
"Ta parole est la lampe qui éclaire mes pas, et la lumière qui luit sur le sentier où je marche" (Psa.118:105.). L'Ecriture sainte est d'inspiration Divine, elle contient d'excellentes instructions pour nous aider à discerner les esprits.

L'expérience
Il est difficile de discerner les esprits en se servant des instructions de l'Ecriture, si l'on n'a pas éprouvé en soi-même les combats spirituels. Si ni l'Ecriture sainte, ni les saints Pères ne rapportent les événements particuliers, l'expérience du combat spirituel peut nous instruire de la manière d'appliquer les règles générales. On peut apprendre beaucoup de choses du discernement, en lisant et en écoutant, mais on ne comprend pas pleinement sans le secours de l'expérience. Il est inévitable de tomber souvent dans des fautes, il faut donc se relever souvent, et apprendre par nos chutes fréquentes quelle vigilance et quelle précaution on doit employer pour acquérir les vertus chrétiennes et les conserver.

La confiance en Jésus-Christ.
"Jésus leur parla de nouveau, et dit: Je suis la lumière du monde; celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie." (Jean 8:12)

L'homme n'arrive à la connaissance de la vérité que par le raisonnement. D'où naît en lui le doute et la difficulté à discerner et à juger : Mais en Dieu et dans les anges cette difficulté n'existe pas car ils connaissent pleinement la vérité sans raisonnement et sans recherche. L'homme doit toujours avoir devant les yeux sa faiblesse et ne doit pas s'appuyer ni se confier en lui-même; mais il peut mettre son appui et sa confiance en Jésus-Christ.

Consulter un directeur spirituel
Le Christ nous avertit de prendre garde à ne pas laisser changer en ténèbres ce que nous avons en nous de lumière (Luc.11:35). L'humilité est nécessaire pour ne pas se laisser décevoir, se confier au conseils d'un directeur spirituel permet d'éviter que les ténèbres de l'orgueil et de notre propre jugement obscurcissent notre raison. On s'engage facilement dans les filets du démon, quand on entreprend avec témérité tout ce qui vient à l'esprit, en se gouvernant par ses propres pensées.

La maitrise des passions intérieures
Pour discerner les pensées et des instincts qui nous occupent, il faut etre détaché de toute affection à ce qui est mauvais, et regarder Dieu seul. L'homme qui s'attache à ses sentiments et à ses désirs ne peut pas porter un jugement équitable des choses qui se présentent. Selon saint Grégoire-le-Grand , "La sagesse remplit les coeurs qui sont tranquilles, et non pas ceux qui sont dans un état de trouble et de confusion. Les âmes qui sont dans l'agitation et le trouble déclarent hautement par cet état qu'elles sont très-éloignées de la véritable sagesse, à cause qu'elles ne sont point dans la paix et dans le repos. "Le feu est tombé sur eux" (Psal. 57. 9.), c'est-à-dire le feu des passions qui sont allumées dans leur coeur; et ils n'ont point vu le soleil : car l'âme qui est aveuglée par ses cupidités et ses passions ne saurait voir la lumière de la vérité, quoiqu'elle lui soit présente."

Autres signes du bon et du mauvais esprit

C'est un signe qu'on a l'esprit de Dieu quand on persévère constamment dans la vertu qu'on s'est imposée, tout en reconnaissant notre propre faiblesse, et en mettant toute notre confiance en Dieu qui nous donne les moyens nécessaires pour ne pas retomber.

Lorsque l'on est poussé par un mouvement intérieur à faire quelque chose, il ne faut pas seulement examiner si les actions auxquelles on est porté sont bonnes et conformes aux commandements de Dieu et de l'Eglise, mais encore si elles conviennent à la condition et à l'état où l'on est.

Le mauvais esprit porte toujours à la colère, à l'impatience, à l'amertume d'esprit, à la dureté. Au contraire c'est le propre du bon esprit de porter à excuser (dans une certaine limite) les vices des autres. Mais celui qui se met en colère contre les défauts du prochain, qui les exagère, qui en parle sans retenue, est poussé par l'esprit d'orgueil. On est convaincu de vouloir faire considérer sa propre vertu quand on se plait à publier les défauts des autres.

Le démon n'attaque pas toujours ouvertement un homme en lui enseignant la fausseté et en le poussant au mal. Quelquefois il dresse des embûches, se déguisant en ange de lumière (2. Cor. 11. 14.). Il sait comment pousser au vice sous l'apparence du bien. Quand quelques suggestions nous portent à entreprendre des choses qui de soi sont bonnes, nous devons examiner s'il ne s'y mêle pas quelque tromperie de l'ennemi ; si notre entreprise est accompagnée d'une crainte et d'une précaution raisonnable ; si l'amour de la louange ne se glisse pas dans ce que l'on fait ; si l'on n'y est pas poussé par la vanité, etc.

Quelquefois le démon pousse un homme à la vertu ; mais il l'excite aussitôt contre cette même vertu par des suggestions mauvaises, en lui représentant beaucoup de difficultés, afin qu'après lui avoir ôté toute espérance d'acquérir la vertu qu'il lui avait proposée, il le jette dans l'oisiveté, et le conduise à désespérer de son salut.

Les suggestions du démon apportent d'abord de l'assurance, mais par la suite elles produisent le doute et le désespoir. C'est pourquoi il est important d'apercevoir ses tromperies au commencement de la suggestion, et de résister de toute la force de son âme à ses premiers efforts ; de crainte que devenant plus audacieux par notre faiblesse, il ne nous surmonte et ne se rende maître de notre coeur.

Le bon esprit remue les gens de bien avec douceur, mais remue les méchants d'une manière qui leur donne de la terreur. Au contraire, le mauvais esprit flatte les méchants et donne de la terreur aux bons pour les troubler. Les deux agissent en général d'une manière opposée vers les hommes qui leur sont contraires. Le démon propose aux pécheurs les charmes trompeurs du monde, et le plaisir des sens. Il imprime dans leur esprit une vaine espérance en la miséricorde de Dieu, afin de leur faire différer la pénitence, et d'augmenter leurs péchés. Mais à cause que les justes lui sont dissemblables, il les tourmente par des scrupules pour tenter de les faire désespérer de leur salut.

Ceux qui sont poussés et conduits par un mauvais esprit sont souvent inconstants, turbulents, inquiets, violents. Ils ne reçoivent conseil de personne, et préfèrent leur propre jugement aux instructions et aux sentiments des autres. Ils aiment ceux qui les louent et qui leur applaudissent. Ils haïssent ceux qui les reprennent. Ils se mettent en colère contre les pécheurs, et les corrigent avec impatience et avec des injures. Ils se cherchent toujours eux-mêmes en tout ce qu'ils entreprennent. Ils s'excusent eux-mêmes leurs fautes sous prétexte que l'erreur est humaine, ou bien ils se fâchent contre eux-mêmes, et se laissent abattre misérablement par la tristesse sans implorer le secours de Dieu.